Tu regardes ton téléphone, il affiche presque sept heures du matin et presque machinalement, tu bailles. Tu te refais le film de la soirée dans ta tête, comme tu le fais chaque matin depuis cinq ans maintenant. Tu revois les billets qui volent, et les grosses mains des clients qui te les fourrent dans le bout de ficelle qui te sert de sous-vêtement. Tu frisonnes rien que de repenser à la sensation que ça procure, au fond, t'aimes bien ça. Etre un objet de désir, même si en fait tu ne restes qu'un objet. Précieux, mais objet tout de même. Et t'es pas conne, t'en es bien consciente, mais c'est ça le principal. A présent tu n'as qu'une hâte, retrouver ton lit pendant quelques heures à peine, avant que ta progéniture ne vienne te réveiller et pas de la manière la plus délicate. Tu attaches tes cheveux, et grimace légèrement parce que la plante de tes pieds te fait un mal atroce, tu t'habitues seulement peu à peu au fait de rester perchée sur des talons de quasiment vingt centimètres, plusieurs heures par nuit. Au moment où tu t'apprêtes à tourner l'angle, t'entends une voix, et puis tu sens surtout une odeur. Tu tournes légèrement la tête, et en une fraction de seconde tu le reconnais. Earl, c'est son nom. Tu le croyais mort limite, et vu l'odeur nauséabonde qu'il dégage, on pourrait croire que la fin est proche. T'es fatiguée, vraiment KO, et la dernière chose que t'as envie de faire c'est te battre. Ça doit être la 1578542 fois qu'il te fait une proposition du genre, en fait c'est plutôt marrant parce que tu te demandes où est-ce qu'il va trouver les cinquante balles quoi. « Fous-moi la paix, Earl. » L'alcool doit avoir remplacé le sang dans son corps, compte tenu de sa gueule, et de sa démarche plus que douteuse. Il te fait tous pleins de doigts, de bras, et autres gestes tous plus glamours les uns que les autres, puis t'entends le bruits du verre des bouteilles qui se brise sur le sol. Puis un gros boum, limite s'il ne fait pas trembler la Terre. Tu jettes un coup d'oeil au clodo, et passe ta route comme si de rien n'était. Toi t'es pas une pute désespérée, non. Tu fais pas n'importe quoi avec n'importe qui, c'est toi qui décide des règles du jeu. Always have, always will.


« Bonne nuit bébé, t'es sage chez tata hein. Attention sinon. » Tu raccroches, et mets ta vie de mère célibataire en stand by. Ca te fait chier de laisser ton gosse comme ça, quasiment toutes les nuits. Soit tu bosses au strip club, soit t'es là à gérer le business. Au mois toi tu taffes, pas comme la plupart de ces chiennes qui vivent aux crochets de leurs soi-disant hommes. Au même moment t'as un léger pincement au cœur, comme d'habitude, mais y'a pas l'temps de s'apitoyer sur son sort, y'a à faire. Tu regardes aux alentours, toujours le même décor. Ça pue la weed, et c'est limite si y'a pas des petits nuages de smoke qui se sont formés juste au dessus du tierquar. Tu traverses ensuite la boutique en faisant au passage un clin d'oeil à D'Andre. Il sourit timidement et retourne à ses affaires, ce qui te fait sourire en coin à ton tour. Dommage que ça soit un gamin, tu le trouves plutôt à ton goût. Tu détaches ton bandana rouge sang de tes cheveux et tu viens le coincer dans la poche arrière du mini-short en jean que t'as choisi à la hâte le matin même et qui moule tes grosses fesses comme jamais.Tu rentres dans l'arrière boutique qui a été complètement réaménagée si l'on peut utiliser ce mot. C'est un véritable squat à Bloods, et on y trouve tout et n'importe quoi, surtout n'importe quoi. « Yo Tamy ! Tu vas où comme ça, viens t'asseoir avec nous nan ? » Il est là, il reluque ton cul comme si c'était un trésor. Tu lui fais un doigt, t'as pas le temps là et puis t'as tout simplement pas envie. La grosse voix de Tupac résonne entre les murs de la pièce, la plupart des négros s'enjaillent une bouteille de bière à la main, et autres substances illicites. Apparemment c'est soirée détente aujourd'hui, mais pas pour toi. Faut que t'ailles vérifier l'artillerie et tout le reste. Tu pousses une dernière porte, et pénètre là où peu de gens seulement ont le « privilège » de rentrer normalement, et tu la vois pas tout de suite. Certains vont penser que c'est trop bizarre de confier de genre de tâche à une meuf, mais toi tu t'en bats les yeuks, quand on en vient à parler des affaires y'a plus de place pour ça, t'es là c'est tout. Tu vas ouvrir la grande mallette, et tu commences ton taffe. A un moment tu relèves la tête, elle est là, elle te fixe. « Tu fous quoi ici toi, tu t'es perdue ? » Tu fronces les sourcils, et tu lâches le Beretta que t'as en main, tu rouvres la porte qui mène au mini squat et tu gueules. « QUI A AMENE CETTE WHITE ASS ICI LA ? » On te répond pas, tu refermes la porte et elle décide de faire entendre sa voix. « Non mais tranquille j'suis la meuf de Lil P, j'sais tout. » « Bullshit. Et puis pourquoi tu parles en fait ? Tu veux du pain ? » Tu vas faire chauffer les oreilles de ce petit quand il va pointer le bout de ses fesses, en attendant tu reprends tes activités.  « toi? une blood? t'as assez de force pour tenir un glock entre tes doigts? t'as plus la gueule à être chez ces fils de pute de crips. » Elle fait la connaisseuse, tu sais pas si tu dois rire ou avoir pitié d'elle. Tu lui montres une série de photos prises, qui est affichée sur un placard. « Tu vois ces points rouges sur la tête de ces gars là ? Ca veut dire qu'ils ont été descendu. Parce que.. Disons qu'ils ont pas été correct avec l'un de nous. Tu veux savoir la meilleure ? C'est moi qui les ai envoyé au cimetière. » Là elle fait moins la fière, tu hausses les sourcils. « Donc là c'est la partie ou tu dégages en fait. Crois-moi j'suis capable de bien des choses, Barbie. » Au même moment y'a le concerné qui fait irruption dans la pièce, tu t'avances vers lui et lui claques l’arrière de son crâne.  « Mais toi là, quand j'te dis de pas ramener tes chattes ici, tu comprends pas quoi ? Tu comptais la baiser ici ? Ta grosse tête là, elle retient rien ? PERSONNE ne doit rentrer ici, fais pas le malin avec moi Perry. Vas-y bouge au lieu de me regarder avec tes gros yeux là. »

Les noires là aiment trop parler pour rien, c'est grave . Tu ne sais pas si c'est leur jalousie maladive, ou juste cette incapacité à retenir leur grande bouche de s'ouvrir. Elles ont toujours un truc à balancer, il faut qu'elles se rendent intéressantes. En tout cas ici à Compton, elles sont pratiquement toutes pareilles. Elles veulent faire les meufs clean à caractère, celles qui ne se laissent pas faire, alors qu'on sait tous ce qu'elles font réellement. Elles se font prendre comme de vulgaires objets dans les petites ruelles que personne n'aime emprunter. Elles se prennent pour Beyonce, se donnent de faux airs et parlent avec des manières, mais on les connaît. Et elles ont un de ces culot, elles passent leur temps à vouloir impressionner la Terre entière, alors que personne n'en n'a rien à battre de leur vie. Celle-là vient de se planter juste devant toi avec ses potes, elles t'encerclent. Tu les regardes une à une, elles te défient du regard. Bouh, dont là t'es censée pleurer et les supplier de te laisser passer. LOL. Ça doit bien faire une dizaine d'années qu'on te la fait celle-là, le coup de la fausse poitrine, de la meuf refaite de partout. Ça t'amuse plus qu'autre chose, d'autant plus qu'elle doivent avoir grand maximum dix-sept ans. Des gamines qui pètent plus haut que leur cul, ça aussi ça grouille à Compton. Tu tires une taffe sur ta clope, et t'adosses au mur. « J'ai des comptes à te rendre, moi ? On t'a dit que j'suis ta pote ? » Tu lui recraches la fumée à la gueule, alors qu'elle écarquille les yeux comme si tu venait de lui apprendre une nouvelle qui mettait sa vie en périle, et tu continues de plus belle. « Mais bon, j'suis plutôt sympas, alors je vais te répondre. Tout ce que tu vois là, tout ça réuni est plus naturel que tes yeux et tes cheveux, sista. » Tu souris, et t'apprêtes à reprendre la route, plutôt d'humeur taquine. « Me la fais pas à moi Rihannon, c'est la sœur de quel pakati qui t'a vendu ses cheveux ? Sinon c'est cool que tu penses pouvoir faire croire à quelqu'un que t'as les yeux verts. C'est bien connu, les noirs ont les yeux verts. Allez peace out gamine. »