Mes prunelles s’ancrèrent dans les siennes et un sourire blasé se dessina presque immédiatement sur mes lèvres. Je pris le temps de diluer le sucre dans mon café et portai la tasse à ma bouche avec le même calme. J’hésitais à lui répondre, y avait-il vraiment lieu de réponse face à une question aussi démesurément stupide, j’en doutais réellement. La connerie et les préjugés aussi abrutis que ceux-là me laissaient perplexe et l’idée seule d’y répliquer m’éreintait déjà. Je reposai ma boisson devant moi et fixai de nouveau mon interlocutrice. « Tu connais le dicton ‘Il vaut mieux se taire et passer pour un con plutôt que de parler et ne laisser aucun doute à ce sujet ?’ » Une petite pause. « Parce que bon t’es en plein dedans. » Mon sourire s’agrandit, il ne servait à rien de s’énerver pour pareilles stupidités. « Sache aussi je me fous pas mal d’être le bienvenu ou non, je m’installe où j’ai envie de l’faire et me fiche complètement que cela plaise ou pas. D’ailleurs tes préventions ne me donnent plus encore envie de poser mes bagages ici durant un petit moment. Je suis curieux de voir comment les choses tourneront, pas toi ? » Mon ton était à la fois léger et provocateur.

J’interromps quelques instants mon geste dans les airs, sans pour autant lâcher mon interlocutrice du regard, essayant de déterminer si elle était sérieuse ou bien se foutait-elle ouvertement de ma gueule. « Ah, c’est cool. » Mon sourcil droit se soulève en signe d’incompréhension face à son air dépité. « Et alors ? T’attends quoi d’moi au juste ? Me dis pas que t’espérais que je t’dise que c’était réciproque quand même ? Nous deux, c’était purement physique, j’croyais qu’on était ok là-dessus. » Des larmes dévalent ses joues tandis que je soupire. How annoying. Je ne voulais pas m’en occuper, ce n’était pas mon rôle et dieu que j’avais des choses plus intéressantes à faire que réconforter des filles en pleur. Si je préférais les relations sans lendemain c’était justement pour éviter ce genre de situations…ennuyeuses. Je soupirais. Je n’aimais pas à avoir à gérer ça. Mon temps est bien trop précieux pour je m’attarde sur des trucs aussi futiles que les sentiments. Pure illusions qui permettaient à certains de se mettre plein les poches. Illusions au-dessus desquelles je me tenais, indifférent. Bien trop épris de liberté, je n’étais pas prêt de me faire emprisonner par les déboires incontrôlables de mon cerveau, siège de toutes les émotions. Dans la vie, il faut faire un choix, ou bien on vit avec quelqu’un, ou bien on le désire, on ne peut décemment pas désirer ce que l’on a, c’est contre nature. Aujourd’hui, être seul est devenu une maladie honteuse. Pourquoi tout le monde fuit-il la solitude ? Moi je me complais dans ma solitude sentimentale et la revendique d’ailleurs. Après un énième soupire, je reporte mon attention sur la jeune fille assise face à moi. « Tu ne m’aimes pas. Tu crois m’aimer, mais c’est faux. T’es en plein illusions. En tout cas compte pas sur moi pour partager ces soi-disant sentiments, les illusions trop peu pour moi. » Son visage se peint d’une expression de désappointement mais comme on le dit si bien la vérité est toujours décevante, c'est pourquoi tout le monde ment. Sauf moi. Ma tranquillité d’esprit est bien plus importante que le mal que je peux provoquer.

[i]« Justement tu n'es pas moi, si Fred veut qu’on s’explique, on va l’faire, j’ai pas l’intention de bouger d’ici. » J’allume une cigarette en souriant. Mon ton en provocateur, comme toujours. J’ai horreur que l’on me dise quoi faire, même si cela m’entrainera des ennuis à coup sûr, d’ailleurs j’ai plutôt tendance à agir de manière contraire lorsque l’on me met en garde. Comportement ô grand combien insolent qui causera sans aucun doute ma perte. Qu’importe. Et j’avoue que Freddy est quelque peu impressionnant, balèze pour faire simple mais ce n’est pas pour autant que je me démonterais. Ce n’est pas dans mes habitudes de prendre la fuite aussi facilement, au contraire, j’adore faire face à mes problèmes, prendre le taureau par les cornes. Tant pis si j’y laisse des plumes mais au moins je pourrais toujours me regarder dans une glace, chose plus importante que tous les coups que je pourrais recevoir. De toute manière ces longues années dans la rue m’avaient appris plusieurs choses, comme à me battre par exemple, donc je ne suis pas tout à fait une proie facile, démuni et suis apte à me défendre si besoin, ce qui accentuait encore plus mon insolence. Je provoque car je sais que je peux assumer derrière, même si cela n’avait pas été le cas, je l’aurais quand même fait. C’est dans ma nature de sans cesse défier les autres, une force ou une autorité supérieure ce qui m’avait valu d’être expulsé de l’orphelinat dans lequel j’étais avant.