Δ bon bon bon. je vois qu'on n'a pas perdu de temps, mademoiselle. majeure depuis peu et déjà au commissariat. d'la chance d'être tombée sur le vieux rick, j'suis du texas moi, une ville respectable avec des citoyens respectables.
alors voyons voir ça, je vois déjà le tableau, père absent, mère dépressive, chômage, seule blanche au milieu de ces singes qui peuplent notre bon pays, elle fait quoi de sa vie la petite dame? oh, pas des études je suppose, non, elle est au-dessus de ça la petite dame. elle fait le tapin pour les singes de compton, c'est ça?
ferme ta gueule, pervers. plus j'le fixe, plus il me dégoûte. j'arrive pas à détacher mes yeux de son bide à bière et de ses doigts poilus qui tapotent la table en bois. j'sais pas pourquoi, mais j'les imagine direct malaxant sans ménagement les nichons quasi inexistants d'une gamine de douze ans - p't'être même sa fille, si on pousse le vice à son comble. l'pire dans tout ça, c'est qu'il a presque visé juste. j'suis un cliché à moi toute seule. et si j'devais lui raconter ma vie, j'pense qu'il éclaterait d'un rire gras. peut-être même qu'il s'imaginerait des talents de médium, alors que dans l'fond, tout ça semble couler de source. mon histoire doit être gravée sur ma gueule. j'suis pas une pute. j'lâche ça d'une voix qui n'tremble même pas. j'suis sûre de moi, quoiqu'il en pense. c'est pas parce que j'me balade en mini jupe que j'suis une pute. c'est pas parce quand tu m'vois tu bandes que j'suis une pute. j'suis pas une pute et j'ai pas d'père. ma mère s'est barrée avec son quatrième mari quand j'avais seize ans et y'a que mon demi frère sur qui j'peux compter. c'est encore sa faute si j'suis ici : il voulait que j'livre d'la dope à un d'ses potes. il paraît que comme j'suis blanche et comme j'suis bonne, j'passe inaperçue. preuve que non. mais j'lui en veux pas, tsé. c'est grâce à ses deals et à mon p'tit cul qu'on peut bouffer. c'est mon idole ce mec, j'pourrais tuer pour lui si j'avais pas le choix. jamais j'lâcherai son nom, même si j'dois finir en taule. jamais j'le trahirai, même si j'dois en crever. tu vas la fumer, ma weed ? je joue à la gamine insolente, c'est drôle. et si j'dois finir ma nuit au poste, autant que ce soit mérité.

Δ bon allez c'est bon, laisse-là tranquille, tu as bien compris qu'elle n'était pas intéressée par tes plans foireux ben. maintenant tu te casses d'ici mademoiselle rush, je veux plus te voir traîner par ici à partir de demain capiche? j'ai pas une gueule à plaisanter, et ton air supérieur tu te le gardes. j'ai des contacts dans cette communauté j'aurais aucun scrupule à donner ton nom à quelques potes. j'ai entendu dire que tu rendais service, c'est pourquoi je t'attends dans trois heures à east compton avec d'la beuh! c'est comme ça par ici, les bons comptes font les bons amis. inutile de négocier, je peux compter sur toi?
je zyeute la meuf. je rêve où elle vient de sauver ma nuit ? dormir dans la pisse de mecs bourrés, j'vous avoue que c'est pas trop mon kiff. j'ai envie d'lui balancer un sourire, mais j'suis pas sûre qu'ce soit une bonne idée. après tout, elle me parle comme si j'étais une gamine de six ans prise en train de voler des bonbecs. j'avais pas besoin d'elle pour me sortir de ma merde. moi aussi j'ai mes contacts, moi aussi j'peux jouer à la rebelle. hm. j'sais pas si j'peux lui faire confiance. j'm'éloigne un peu. tu crois vraiment que j'fais ça pour n'importe qui ? qui m'dis qu'une fois là-bas, tu vas pas m'foutre dans une autre merde ? j'ai pas envie que tous tes potes me passent sur le corps, hein. elle croit vraiment que j'ai besoin d'elle ? de sa protection ? et si j'dis non, elle va me tomber sur la gueule. elle a pas l'air de rigoler la fille. putain d'dilemme. après tout, elle m'a rendu service, j'lui dois bien ça. et si c'est un plan foireux... j'me débrouillerai. je suis une grande fille. j'ai pas besoin qu'mon frère veille tout le temps sur moi. on s'retrouve où ? j'suis pas n'importe quelle conne, tu peux compter sur moi. mais crois pas que j'serais là pour tes livraisons tous les jours. j'ai déjà mes contacts. c'est tellement rare qu'une meuf comme elle me fasse confiance. on fait pas confiance aux blanches ici. j'pourrais lui enfoncer un putain d'poignard dans l'dos - mais je suis pas une fille comme ça : quand j'donne ma parole, j'fais pas semblant.

Δ parce que ça me fait mal de te voir comme ça. je supporte plus ces regards des mecs sur tes seins et ces pupilles qui bandent sur ton cul, Lol, tu peux comprendre ça? il suffit que tu me le demandes, et on se casse de là, on laisse tout, on se barre tous les deux, une valise et trois t-shirts, je t'achèterai une tonne de petites culottes une fois à new york, les plus belles, celles en dentelles. je veux te sortir de là Lolita. pourquoi tu m'fais pas confiance?
j'le matte, incrédule. il s'prend pour qui lui ? le père noël ? encore à poil dans son pieu, je resserre le drap blanc autour de mon corps un peu collant et tire une nouvelle latte sur le bédo. c'est quoi cette putain d'habitude qu'ont certain d'ouvrir la bouche après l'coït ? perso, ça m'donne envie de gerber, de lui cracher mes tripes à la gueule, mais j'fais comme si j'avais rien entendu. j'cogite. on m'achète pas avec des strings en dentelles, moi. on m'promet pas la lune comme si elle était à portée de doigt : je sais qu'la lune c'est rien qu'une putain d'illusion, une ampoule géante que les américains ont balancé dans l'ciel pour que les gosses tremblent pas la nuit. ma vie à moi, c'est un putain de jeu vidéo. mais un truc de mec. dans mon scénario, y'a pas d'princesse à délivrer. non. le but c'est d'faire le plus de headshot possible - et ce gars-là, j'ai sincèrement envie d'l'exploser : une balle entre tes deux yeux et tu vas la fermer ta grande gueule de loveur. il aurait mieux fait d'me faire jouir, j'aurais eu l'évasion tous frais payés. tu sais, j'crois que baiser à new-york ou baiser ici, c'est la même chose. j'ai une pote qu'est partie là-bas, elle m'a raconté ça. et puis, tu vois, j'ai pas trop envie de tester... les lumières de new-york, elles brillent pas pour moi. elles brillent pour les blondasses peroxydées qui s'croient bonasses et qui baisent dans le loft avec vue sur central park payé par papa et maman. une fois là-bas, j'aurais encore et toujours envie de fuir, alors tu vois. non. j'vois pas l'intérêt de me barrer d'mon ghetto, mes rêves, j'les ai foutu au placard, loin de mon putain de crâne. pourtant que j'me lâche, j'te jure que j'ai envie d'ailleurs : qui voudrait honnêtement pourrir ici ?
n'empêche, il aurait mieux fait de se taire. j'avais bien envie d'le chevaucher encore un peu, moi. mais mes ardeurs sont calmées, merci, au revoir.